[Handicap et emploi : Autisme] Le point avec Lise Malézé, psychologue spécialisée dans le Trouble du Spectre Autistique.
La question de l’inclusion des personnes en situation de handicap est aujourd’hui de plus en plus importante dans la société. Et c’est une bonne chose !
Le champ de l’accompagnement professionnel n’est pas non plus en reste, comme témoignent plusieurs critères du Référentiel National Qualité. Ce document fournit aujourd’hui à tous les professionnels de l’accompagnement et de la formation les critères des audits Qualiopi obligatoires pour proposer des offres éligibles au CPF. Alors que nous préparions cet audit en novembre dernier, nous avons été amenés à découvrir de nombreux sujets liés aux handicaps. Nous avons cherché des contacts référents, ainsi que des sources d’information, et c’est ce qui nous a donné l’idée de ce premier article thématique.
Le champ du handicap est bien vaste et il recouvre de nombreuses réalités. Handicap physique, moteur ? Reconnu par la RQTH (reconnaissance des travailleurs handicapés, ou pas ? Comment prendre en compte la diversité des personnes pour plus d’inclusion dans le monde professionnel ? Quelles sont les fausses bonnes idées et les véritables informations à avoir en tête ?
Pour y voir plus clair, nous avons réalisé ce premier entretien avec Lise Malézé, psychologue spécialisée dans le Trouble du Spectre Autistique.
Dans cette vidéo, nous abordons une définition de l’autisme, qui est un trouble de la socialisation et de la communication associé à des intérêts spécifiques. En quelques chiffres, nous apprenons que le Trouble du Spectre Autistique recouvre 1% de la population. S’il est courant d’envisager un lien entre l’autisme et la difficulté de trouver un emploi, les données concrètes manquent encore à ce sujet. Lise Malézé détaille ensuite différents éléments sur l’autisme au féminin qui est aujourd’hui de plus en plus médiatisé. En effet, après avoir inclus d’autres critères de diagnostics, les test ont pu mettre à jour des cas d’autisme chez de nombreuses petites filles et femmes qui n’étaient pas prises en compte dans les statistiques il y a encore trente ans. Pourquoi cela ? Ces dernières étant socialisées à être sociables, souriantes, habiles dans le lien aux autres, elles étaient capables de cacher leurs difficultés. On appelle cela le « masking ». Mais cela ne les empêchait pas de se sentir en profond décalage avec les autres, ni d’être épuisées par les efforts constants qu’elles devaient faire pour s’adapter à une société neurotypique.
Nous évoquons ensuite la fausse bonne idée de beaucoup de personnes qui, croyant faire bien, conseillent aux personnes autistes de chercher à travailler dans le domaine de leur intérêt spécifique. En fait, chaque domaine implique aussi des compétences sociales, ou l’obtention de diplômes obligatoires pour exercer dans son champ d’intérêt. Et comme c’est le cas pour toutes les personnes, qu’elles soient autistes ou neurotypiques, il n’est pas toujours facile de transformer sa passion en emploi ! A ce sujet, Julie Dachez relaie aussi le risque de surmenage et de profonde détresse qui peut survenir lorsque l’on mêle intérêt spécifique et emploi.
Nous discutons ensuite des dispositifs spécifiques qui existent pour accompagner les personnes autistes en entreprise. Dans le cas d’une Reconnaissance de Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH), il est possible d’établir des aménagements pour diminuer les gênes sensorielles auditives et visuelles, ou aménager ses horaires. En général, cela peut se faire en partenariat avec la médecine du travail et relève d’une démarche personnelle propre à chacun.
Aujourd’hui, s’il existe de plus en plus d’aménagements pour les enfants, il y a encore beaucoup à faire pour accompagner les adultes. Cela pourrait se dérouler à travers du tutorat, par exemple. Les managers et les collaborateurs ont aussi leur rôle à jouer : ils pourraient rendre les entreprises plus inclusives en rendant moins nécessaires les compétences sociales dans l’évolution professionnelle. La fonction publique, où grilles et échelons permettent une évolution liée à l’ancienneté, offre un cadre plus égalitaire à leurs profils.
D’autres initiatives existent, comme par exemple l’entreprise Auticonsult qui recrute des consultants autistes et les intègre aux entreprises. Il est vrai que des démarches de sensibilisation à l’autisme dans les entreprises se développement de plus en plus. Elles sont le fait d’associations qui sont, le plus souvent, touchées personnellement par l’autisme. Qu’elles soient créées par des personnes elles-mêmes autistes ou que cela concerne un membre de leur famille. Un exemple marquant est celui de l’entreprise Andros, dont la politique d’inclusion en faveur des collaborateurs autistes, est particulièrement significatif. Le fils du PDG de cette entreprise est lui-même autiste. De façon générale, Lise Malézé déplore le manque d’éducation générale des entreprises pour intégrer cette problématique de société.
Enfin, nous évoquons un sujet qui nous intéresse particulièrement puisqu’il concerne l’orientation professionnelle des personnes autistes. Lorsqu’il s’agit de choisir un domaine, il est recommandé d’avoir une attention globale à l’environnement de travail. On peut se projeter dans la journée : faudra-t-il prendre les transports ? Y aura-t-il beaucoup d’autonomie ? Faudra-t-il enchaîner différentes tâches ? A quoi ressemblera une semaine de travail ? En soi, il n’y a pas un domaine favorable aux personnes autistes – et d’ailleurs elles n’ont pas toutes les mêmes préférences ! - , mais cela dépend d’un ensemble de paramètres. Pour ces raisons, il peut être judicieux de faire un Bilan de Compétences. Cela permet d’analyser les types d’interactions sociales dans l’emploi souhaité, d’étudier l’environnement de travail ainsi que les tâches habituelles. Le Bilan de Compétences, lorsqu’il intègre des phases de simulations, peut être une bonne façon d’identifier ce dont on a envie et ce dont on est capable afin d’éviter que l’emploi ne devienne aversif.
Enfin, Lise Malézé nous donne son conseil pour bien s’orienter dans l’emploi lorsque l’on est une personne autiste : il n’y a pas de parcours type ! Toutes les personnes sont différentes ! Il n’est pas nécessaire d’avoir la RQTH. C’est une démarche personnelle. Mais il est vrai qu’en général, on ne peut pas exiger d’aménagements en entreprise si l’on n’a pas de reconnaissance de qualité de travailleur handicapé. Elle ajoute enfin qu’il n’est pas toujours une bonne idée de se lancer en freelance. Même si cela permet de gérer son temps comme on l’entend, et que l’on peut travailler chez soi, donc dans un environnement sensoriel adapté, il faut inclure énormément de paramètres qui ne sont, eux, pas toujours favorables aux profils des personnes autistes. Cela implique par exemple le fait de se vendre, faire sa comptabilité, gérer son autonomie…
Que vous soyez vous-même concerné par cette thématique, ou simplement curieux de réfléchir à vos pratiques pour plus d’inclusion en entreprise, nous espérons que cet entretien vous transmettra des informations et vous donnera envie d’en savoir plus sur le Trouble du Spectre Autistique.
Découvrez la vidéo complète de notre entretien :
Pour poursuivre votre réflexion sur le sujet, voici quelques ressources :
- Le Centre de Ressources Autisme Ile-de-France : https://www.craif.org
- Autisme Info Service https://www.autismeinfoservice.fr
- Asperger Amitié https://www.asperger-amitie.com
- Femmes Autistes Francophones https://femmesautistesfrancophones.com
Lise Malézé est psychologue d'orientation TCC spécialisée dans le suivi des personnes neuroatypiques. Elle travaille depuis de nombreuses années au sein de structures et associations qui accueillent des enfants TSA. En libéral, elle réalise à la fois des consultations individuelles et des groupes d'habiletés sociales pour enfants et adultes TSA ou TDAH. Elle peut également proposer des guidances pour les familles et des conseils pour l'inclusion des personnes autistes à l'école, sur les lieux de formation ou en entreprise. Son cabinet est situé à Paris.
L’Agence Pinacle la remercie chaleureusement pour sa disponibilité.
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